Les troubles du cycle menstruel et de la fécondité chez la sportive
Les troubles du cycle menstruel seraient 4 à 20 fois plus fréquents chez les sportives, notamment pratiquant les sports en charge, que dans la population générale. Néanmoins, ils sont souvent négligés, à la fois par la sportive elle-même, qui peut voir dans l’absence de règles un côté pratique, et par l’entourage. Cependant, ces troubles doivent être explorés car ils ont des conséquences néfastes, tant sur les performances que sur l’organisme à plus ou moins long terme.
Pour commencer, quelques définitions
Les cycles anovulatoires sont des cycles durant lesquels l’ovaire ne libère pas d’ovule. Il n’y a donc pas de fécondation possible. Cependant, ils peuvent être accompagnés de règles, souvent moins abondantes. Cette anomalie passe inaperçue puisque asymptomatique et n’est révélée qu’à l’occasion d’un désir de grossesse.
La spanioménorrhée correspond à des cycles longs et irréguliers.
L’aménorrhée est l’absence de règles après l’âge de 16 ans. Elle peut être primaire (c’est-à-dire que la jeune fille n’a jamais eu ses règles) ou secondaire (c’est-à-dire une absence de règles pendant 3 mois chez une femme antérieurement bien réglée). L’aménorrhée secondaire (en dehors de la grossesse et de l’allaitement) est fréquente puisqu’elle concerne 2 à 5% des femmes de la population générale.
Ces trois anomalies peuvent se retrouver chez les femmes sportives et sont révélatrices d’une carence en oestrogènes. La fréquence de l’aménorrhée est notamment plus élevée dans les sports d’endurance, les sports à catégorie de poids, qui nécessitent des régimes stricts, et les sports dits esthétiques (danse, patinage artistique, gymnastique).
Une aménorrhée primaire doit être explorée d’emblée, de même que des irrégularités du cycle qui persistent deux ans après les premières règles. Il faut en premier lieu éliminer une grossesse et rechercher toutes les causes avant de conclure que les troubles du cycle sont en lien avec l’activité physique.
Le mécanisme des troubles du cycle chez la sportive
Il existe chez certaines sportives qui s’entraînent de façon intense une anomalie de la sécrétion pulsatile des gonadotrophines (LH et FSH) par l’hypophyse secondaire à une anomalie de sécrétion de GnRH par l’hypothalamus.
La leptine, une hormone sécrétée entre autres par les adipocytes (cellules graisseuses), semble responsable de ce trouble de sécrétion de GnRH puis de LH. Chez la sportive en aménorrhée, les taux de leptine sont anormalement bas.
Ces taux bas de leptine sont retrouvés chez des femmes soumises à un déficit d’apport calorique par rapport aux dépenses, principalement à un déficit d’apport en lipides secondaire à un régime strict. Finalement ce n’est pas l’intensité de l’entrainement qui est en cause mais le déséquilibre entre les apports et les dépenses énergétiques. Il semblerait qu’il faille au moins 17% de masse grasse pour qu’une femme ait ses règles et 22% pour que les cycles soient ovulatoires. Ceci explique pourquoi on retrouve ces troubles du cycle dans les sports en charge, où la contrainte du poids est importante, plus rarement en natation ou en cyclisme, exceptionnellement dans les sports collectifs.
Les conséquences des troubles du cycle
La carence en oestrogènes entraîne différents effets néfastes pour l’organisme.
Tout d’abord elle peut être responsable d’une ostéopénie comparable à l’ostéoporose à l’origine de tassements vertébraux ou de fractures de fatigue, altérant obligatoirement les performances. Cette perte osseuse est maximale dans les années qui suivent l’installation de l’aménorrhée. Elle est semblable à celle qui existe chez la femme ménopausée.
Ensuite, on peut citer l’augmentation du mauvais cholestérol, athérogène, avec donc une augmentation du risque cardiovasculaire.
Prise en charge des troubles du cycle de la sportive
Il s’agit en premier lieu d’essayer de rééquilibrer la balance énergétique par des apports alimentaires corrélés aux dépenses énergétiques. Cette mesure à elle seule est en principe suffisante pour permettre le rétablissement de cycles normaux et la survenue des règles.
On pourra également conseiller un changement de catégorie de poids dans les sports avec pesée si les régimes sont trop restrictifs pour se maintenir dans la catégorie.
En cas de refus de la sportive (parfois de l’encadrement) de modifier son hygiène de vie, il est important de proposer une substitution oestrogénique pour notamment limiter l’ostéopénie. Toutefois, à l’adolescence, les oestrogènes de synthèse ne permettront pas une construction osseuse satisfaisante. Ils limiteront seulement les dégâts.
Conclusion
Les troubles du cycle, du cycle anovulatoire à l’aménorrhée, sont plus fréquents chez les sportives soumises à des restrictions alimentaires, notamment lipidiques. Un pourcentage minimal de masse grasse est un prérequis au bon fonctionnement de l’appareil reproducteur. En cas de dysfonction, outre les anomalies gynécologiques, la sportive voit s’accroitre le risque d’ostéoporose associée à des blessures (fracture de fatigue notamment) et le risque cardiovasculaire par augmentation du mauvais cholestérol. Rééquilibrer les apports énergétiques et les dépenses suffit en principe à rétablir des cycles normaux. Les oestrogènes de synthèse peuvent également être prescrits.
Dr Lucie BEHAGUE – IRMS²