Sport médicament – pathologie chronique et activité physique
LE SPORT SUR ORDONNANCE !
Acteur majeur dans la prévention et la prise en charge des sportifs compétiteurs comme loisirs haut-normands, l’Institut s’est également investi depuis de nombreuses années dans le « sport-santé », en faisant profiter des personnes atteintes de pathologies chroniques des bienfaits apportés par le sport. Retour sur les principes de l’activité physique à but thérapeutique et sur les différents projets mis en place par l’Institut de Médecine du Sport de Haute-Normandie.
Pourtant admis depuis plusieurs siècles, les bénéfices de l’activité physique sont de plus en plus reconnus depuis les années 2000. Si leurs mécanismes sont encore mal connus du grand public, personne ne peut maintenant ignorer que bouger lui permettra de préserver son capital santé. En 2008, l’INSERM publiait un travail de plus de 800 pages sur les effets de l’activité physique sur de nombreuses pathologies et sur chaque organe. Car il est vrai que la pratique sportive a des vertus en termes de prévention primaire comme tertiaire : elle va aussi bien freiner le risque d’apparition d’une maladie que limiter les conséquences ou complications d’une maladie, une fois cette dernière installée. L’activité physique devient ainsi une recommandation pour une très grande partie d’entre nous quelque soit notre état de santé, qui nécessite la plupart du temps simplement une adaptation de l’activité physique : on parle alors d’activité physique adaptée.
De l’activité physique sur ordonnance
Si l’on peut rêver d’un monde où toute la population pratiquerait une activité physique selon les recommandations de l’OMS, Organisation Mondiale de la Santé (à savoir 150 minutes par semaines d’activités modérée), la situation actuelle en est encore loin. Les différentes campagnes de santé publique et notamment le dernier plan Sport-Santé-Bien-être visent à modifier les comportements afin d’amener chacun d’entre nous vers une pratique physique régulière. Il est évident que la reprise d’une activité physique, a fortiori chez une personne présentant une pathologie chronique, ne peut se faire que de manière encadrée. Il existe en effet des risques et des freins associés à la reprise sportive. Ces risques sont notamment cardiaques ou liés à une éventuelle pathologie chronique présente. Ces nombreux freins sont quant à eux en rapport avec des pathologies de l’appareil locomoteur, un état de fatigue ou une motivation limitée. Le médecin joue ici un rôle capital en permettant de limiter au maximum tout risque par un interrogatoire et un examen clinique adapté, éventuellement suivi d’examens complémentaires (électrocardiogramme, épreuve d’effort cardiologique ou autre). Dans le même temps, il veillera à identifier l’état de motivation du « sportif en devenir « , à renforcer cette motivation par un discours visant à rassurer et à expliquer tous les bienfaits à attendre d’une telle pratique. Il prendra soin de rechercher des pathologies annexes qui pourraient par des douleurs freiner l’adhésion régulière à une pratique sportive. Cette consultation, par l’ensemble des informations recueillies permet de proposer une activité en adéquation avec l’état de santé de l’individu, adaptée aux besoins et aux possibilités du sujet, en restant soucieux de proposer une pratique en rapport avec les appétences du « sportif en devenir » pour garantir une pérennité. Tout ceci se traduira par une véritable prescription de l’activité physique, dans l’idéal sur ordonnance. Cette prescription permet une progressivité de la reprise d’activité physique. Il a également été démontré qu’à l’image d’un traitement médicamenteux, médecin et patient attachent davantage d’importance à l’activité physique si elle est prescrite sur ordonnance que simplement conseillée oralement. Car il faut être conscient qu’aujourd’hui, l’activité physique, au delà du plaisir qu’elle peut procurer à certains, est un médicament ! Limitant l’apparition de maladies, ou limitant ses complications et conséquences. Le rôle du médecin, même s’il est moins bien perçu, est aussi d’identifier des contre-indications auxquelles les pathologies exposent. Par exemple, une personne atteinte d’insuffisance respiratoire chronique ne pourra pratiquer la plongée, ou une personne à risque de malaise ne pourra pratiquer l’alpinisme. Si certaines restrictions peuvent paraitre logiques, d’autres sont plus spécialisées : par exemple une personne diabétique avec atteinte rétinienne ou rénale ne pourra pratiquer d’activité physique intense, telle que la course à pied par exemple. La consultation du médecin prend ici encore tout son sens.
Des acteurs multiples
Dans ce contexte de prise de conscience des bienfaits de l’activité physique, la demande en termes d’offre sportive a été grandissante.
Les différentes campagnes de santé publique et notamment le plan Sport-Santé-Bien-être s’appuient sur un réseau associatif, acteur capital dans cette volonté d’inciter le grand public à « bouger ». Si certaines régions sont moins équipées que d’autres, le développement constant de multiples disciplines sportives permet à chacun de pouvoir s’investir dans la pratique qui lui apporte plaisir et bienêtre. De plus en plus de fédérations s’impliquent dans cette problématique du sport pour la santé en proposant des formations pour leurs encadrants, visant à améliorer l’accompagnement de certaines pathologies chroniques. De ce fait on voit apparaître des créneaux dédiés à cette population, ce qui permet de proposer une pratique à intensité moindre ou individualisée.
Une implication sur le terrain
Malgré ces aménagements de pratique dans les créneaux sport-santé de certaines associations, il est parfois difficile pour des patients de passer de l’étape « rémission » ou de la sortie de l’hôpital à l’intégration d’une association sportive. La marche est en effet parfois trop importante en termes d’intensité de pratique ou tout du moins peut faire peur. Fort de ce constat, l’institut s’est investi dans la mise en place de certains programmes, véritables passerelles pour accompagner les patients depuis le monde médical vers des créneaux dédiés en association sportives. Débuté au sein du centre de lutte contre le cancer Henri Becquerel, un programme de prescription d’activité physique dédié aux femmes atteintes de cancer du sein en fin de traitement, a été étendu à une grande partie du territoire haut-normand (Le Havre, Dieppe, Evreux et Lillebonne). Dans ce contexte une activité physique permet une amélioration de l’état de fatigue, de la qualité de vie et dans certains cas une diminution de risque de récidive ou de rechute (cf newsletter Décembre 2013 et plaquette ci-contre). Fin 2013, l’Institut a pu mettre en place au sein de l’hôpital de Lillebonne, en partenariat avec le CSAPA, Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie, un programme de prescription d’activité physique dans le cadre de prise en charge d’addictions. Celui ci s’est étendu cette année à la prise en charge des différents facteurs de risques cardiovasculaires (diabète, hypercholestérolémie, hypertension, obésité) dans laquelle l’activité physique a bien évidemment toute sa place. Depuis peu de temps, sur le même principe, des patients diabétiques ou présentant un rhumatisme inflammatoire chronique peuvent bénéficier de séances d’activité physique adaptée à ces pathologies. De la même manière, ces programmes sont constitués d’une consultation initiale avec un médecin du sport, de 10 séances d’activité physique adaptée, dont le coût est entièrement pris en charge par des subventions, permettant au patient de reprendre goût à l’activité physique, d’apprendre la réalisation de gestes nécessaires à une pratique sécuritaire, et d’effectuer une transition entre la période de soins et l’entrée dans une pratique régulière d’activité physique. L’ensemble de ces programmes s’inscrit pleinement dans la dynamique de l’amendement sport sur ordonnance, dit amendement Fourneyron, tout récemment voté à l’unanimité à l’Assemblée et qui prévoit de généraliser la prescription des activités physiques adaptées aux patients atteints d’affections longue durée. Enfin, l’Institut s’investit pleinement dans la communication des bienfaits de la prescription d’activité physique pour la santé. Chaque numéro du Mag de l’Institut fait l’objet d’un article dédié au « sport-médicament ».
Conclusion
L’activité physique à but thérapeutique est une prise en charge innovante aux bénéfices certains pour de nombreuses pathologies bien identifiées. Encore trop peu prescrite, elle ne cesse de se développer. En attendant une meilleure maîtrise de cet outil par le monde médical qui se fera par la formation des professionnels de santé, différents programmes d’activité physique adaptée ont été développés sur la région. Ils sont spécifiques à la prise en charge du cancer du sein, des facteurs de risque cardiovasculaires, des addictions et des rhumatismes inflammatoires. Ils ont pour mission de faciliter l’évolution de chacun vers une pratique pérenne de l’activité physique.
Dr M ROUDESLI – Médecin du sport IRMSHN Dr J BERTIN – Médecin du sport IRMSHN